Le parcours professionnel d’un francophile francophone en Suède. Ce mois-ci, deux pour le prix d’un ! L’une a les mains dans la pâte et l’autre dans les mots et les crayons. Mélanie invente la poésie gustative dans sa passion du pain au levain et Nac illustre sa passion du coeur en les réparant avec sa poésie. Mélanie et Nac Kaminski, des jumeaux trentenaires passionnés et passionnants, portraits croisés d’une boulangère et d’un illustrateur poète.
La Suède en Kit : Pourquoi et comment êtes-vous arrivés en Suède ?
Mélanie : Je suis venue la première en échange Erasmus en 2010 et je suis restée car j’aime la qualité de vie à Stockholm et j’y ai trouvé l’amour. Avec ma formation d’éducatrice spécialisée, j’ai commencé à travailler dans les crèches francophones et au fritids du Lycée St Louis à mi-temps ; conjointement j’ai consolidé ma maîtrise du suédois à l’université. Valider mon diplôme francais en Suède s’est vite révélé compliqué et comme je ne me voyais plus travailler dans le social, j’ai eu envie de faire de ma passion cachée mon métier. J’ai toujours adoré faire des gâteaux et expérimenter en cuisine, ma rencontre avec Sébastien Boudet (fondateur de la boulangerie Petite France) a été le déclic qui m’a poussée à suivre une formation de boulangère-pâtissière pendant un an en Suède. J’ai suivi également des stages de perfectionnement en France. Depuis, je suis pain, je pense pain et je rêve pain.
J’ai deux stages prévus à Paris dans la boulangerie Utopie des 2 Barbus et chez Bo, le duo de boulangers dont tout le monde parle. J’ai envie de transmettre la tradition boulangère française alliée aux produits bio suédois. Chez Fosch, je suis en charge de la boulangerie, Fabien Foschiatti , le patron, m’a légué Gigi, son levain vieux de quatre ans, devenue la prunelle de mes yeux. La pâte est vivante, je l’écoute pousser. En ce moment, toute ma créativité et mes compétences se focalisent autour de la pâte feuilletée levée et des pains au chocolat. Je cherche à retrouver le goût et l’odeur de l’enfance en France pour mes viennoiseries avec une sélection d’ingrédients bio suédois. Le pain, c’est aussi une question de terroir, une tradition séculaire que j’ai envie de faire découvrir et de partager.
Nac : Durant 6 ans, je suis venu occasionnellement voir ma soeur en Suède, en vacances. J’aime la gestion du temps en Suède, il s’étire sans précipitation. Nous sommes originaires du bassin minier lorrain, ici j’apprécie l’air clair et la lumière. Comme ma jumelle, je suis également éducateur spécialisé, j’ai travaillé dans le très dur milieu hospitalier en psychiatrie. Sans doute pour survivre émotionnellement, je dessine et j’écris de la poésie, depuis toujours. Un jour, j’ai eu envie de vivre de mon art, mes doigts me démangeaient et les mots m’appelaient, alors j’ai ouvert mon atelier La Rafistolerie, où je répare les coeurs moteurs. Les coeurs moteurs sont mon univers, ma philosophie de vie, mon concept poétique de partage d’amour. Je produis mes créations sur différents supports et collabore même avec un artisan-chocolatier qui utilise mes illustrations dans son glaçage. J’avais une vie bien organisée, stable, et pourtant début janvier 2017, j’ai tout laissé pour emménager à Stockholm. On avait assisté à l’épanouissement professionnel de ma boulangère de soeur et vaguement évoqué l’idée d’une installation en Suède avec mon copain. Puis tout s’est précipité, il a trouvé un emploi de cuisinier au Relais de la Gare de Vasagatan et on a fait les démarches. On a toujours été bien conseillé et accueilli par l’administration suédoise, ils sont adorables et conciliants. Après avoir été hébergés chez Mélanie, on a trouvé un logement qui nous plaît. Je cherche encore un local pour développer mon univers, une Rafistolerie à Stockholm, pour jouer avec la poésie des mots et des illustrations. Je me suis mis au suédois, mais le français est encore ma langue de création. Qui sait, peut-être un jour, je réparerai les coeurs en suédois.
La Suède en kit: Où serez-vous dans 5 ans ?
Mélanie : Ma passion me pousse à rencontrer d’autres boulangers dans d’autres pays, de voir comment procèdent les minotiers d’ailleurs, découvrir de nouvelles farines et de nouveaux savoirs-faire. Je suis curieuse, peut-être que j’apprendrai à utiliser un four en Asie ou que je nourrirai un levain australien. Quelle odeur a le pain à l’autre bout du monde ? Je ferais le tour de la Terre, les mains dans la pâte, ou pas.
Nac : Mon copain et moi adorons la nature et les gens en Suède. Dans cinq ans, je me vois au bord de l’eau, dans une grande maison en bois rouge aux chambranles blancs, on vivra notre rêve suédois. Un peu comme ma cabane au Canada, mais en Suède. Mon copain régalera les gourmets et les gourmands dans la partie restau et moi je réparerai les coeurs moteurs dans ma Rafistolerie.
Bravo à vous deux! Je suis très heureuse et très fière de vos parcours, de vos talents et de l’énergie que vous mettez à faire ce qui vous passionne.
Je vous embrasse.
Clairette Donnen
Bonjour Mélanie,
Qu’elle surprise!
C’est Laurent du CPN de Laxou. Tu te souviens? Ta vie d’avant…en France.
Tu avais tellement envie de la Suède.
Alors cette mutation c’est vraiment génial.
Au fond, je suis très fier de toi.