André Lothe n’a jamais vraiment percé en tant qu’artiste peintre mais il a laissé une trace indélibile dans l’histoire de l’art par son enseignement. Le musée Waldemarsudde lui consacre une exposition jusqu’au 11 janvier 2018.
Un peintre bordelais
Né en 1885 à Bordeaux, André Lothe commence à apprendre la sculpture sur bois dans un atelier de meubles, avant d’intégrer l’école des beaux-arts. Il entre alors en contact avec l’oeuvre de Gauguin, d’Odilon Redon et l’art africain. Dans les années 1910, il fait partie des avant-gardistes cubistes de Paris et s’expose avec eux au Salon des Indépendants en 1911. Il est également critique d’art et qualifie lui-même son art de « cubisme français » et de « nature organisée ». Il ne peint jamais de manière abstraite, bien que ses motifs soient décomposés en formes géométriques.
Lothe commence à enseigner tôt, et aura au cours de sa carrière environ 1500 élèves du monde entier. En 1925, il ouvre sa propre académie à côté de Montparnasse à Paris. Fernand Léger enseigne aussi à la même époque dans le même quartier ; plusieurs artistes suédois suivent des cours chez les deux peintres. Lothe enseigne également au Caire en 1952 et à Rio de Janeiro.
Les premiers élèves suédois de Lothe ne sont rien moins que Georg Pauli et le prince Eugen ; ce dernier devint plus tard mécène et collectionneur (il acquiert entre autres 17 œuvres de Lothe) et habitait justement à Waldemarsudde ; une partie des œuvres de l’exposition proviennent donc des collections du musée.
Au cours des 50 années suivantes, jusqu’à sa mort en 1962, plusieurs générations d’artistes suédois, dont une cinquantaine sont présentés dans l’exposition, suivront les cours d’André Lothe. Parmi les noms les plus connus, on trouve Agda Holst, Greta Knutson-Tzara, Dick Beer, Siri Dekert, Olle Baertling, Philip von Schantz ainsi que le photographe Christer Strömholm. L’enseignement de Lothe ne se retrouve ainsi pas uniquement en peinture, mais aussi dans les objets d’art, la sculpture et l’art de l’affiche. L’exposition présente également le contexte artistique de l’époque avec des œuvres de Léger et de Braque par exemple.
De nombreuses élèves femmes
42 % des élèves de Lothe étaient des femmes. Il était très apprécié de ses élèves et semble ne pas avoir fait de différences entre ses élèves hommes et femmes. Siri Dekert (1888-1973) découvre le cubisme à Paris dans les années 1910 mais ne devient élève de Lothe quand 1938, grâce à une bourse obtenue de l’académie des beaux-art de Suède. Elle a alors tourné la page du cubisme, mais décrit en termes positifs son professeur, qu’elle qualifie de « joyeux, bavard, souriant et simple ». Dans les années 1940 et -50, elle détruit ou repeint sur ses peintures cubistes.
Georg Pauli (1855-1935) exécute en 1912-1913 des fresques pour le lycée Per Brahe de Jönköping, directement inspirées de Lothe. Ce sont les premières fresques de style cubiste en Suède. On retrouve le même style dans sa peinture Badande ynglingar (Jeunes baigneurs) de 1914.
Les élèves des dernières décennies
Lars Gynning suit les cours de Lothe en 1949 et applique son enseignement à l’art textile. La manufacture des frères Pinton à Aubusson réalisa environ 250 cartons de Gynning. Les chat, en particulier le chat Toto, est un motif favori et récurrent chez Gynning.
Les élèves tardifs de Lothe s’inspirent de son cubisme mais aussi du courant post-cubiste, tel Bengtsson Lindström, Olle Baertling ou Laila Prytz qui s’orientent ensuite vers un art composé de formes colorées clairement définies.
Des élèves photographes
Henri Cartier-Bresson (de 1926 à 1928), Florence Henri, Dora Maar, William Klein et Christer Strömholm (en 1937), quoique photographes, suivent aussi les cours de Lothe pour apprendre entre autre à composer des images. Cartier-Bresson a dit de Lothe qu’il était un « professeur de photographie dans appareil-photo ». Strömholm revient chez Lothe en 1948, mais cette fois-ci pour documenter son atelier : c’est de là que viennent les photos exposées à Waldemarsudde.
Iwar Donnér quand à lui transpose les enseignements de Lothe, qu’il suit en 1924-1925, dans ses affiches de films, dans un style Art Deco, telle celle de Polisens villebråd (Die Schönen Tage von Aranjuez), de Johannes Meyer avec Brigitte Helm en 1933.
Que Lothe ne soit pas un peintre connu n’enlève rien à cette exposition. Au contraire : l’absence du culte du génie, d’habitude si souvent présent dans l’art, permet ici à chaque artiste, Lothe compris, de prendre sa place et de s’exprimer individuellement, même si les parentés sont visibles. Beaucoup ont dépassé et gagné plus de notoriété que le maître, mais l’exposition lui rend un hommage tout à fait légitime. Cette exposition est comme une leçon d’histoire de l’art, qui introduit de manière pédagogique au monde de l’art moderne français et suédois, sans être ni magistrale ni ennuyante.
Informations pratiques
Quand ? jusqu’au 11 janvier 2018, du mardi au dimanche de 11h à 17h, nocturne jusqu’à 20h le jeudi, fermé le lundi. Fermé le 24 et le 25 décembre, ouvert le 26 décembre de 11 à 17h. Fermé le 31 décembre et le 1er janvier. Ouvert le 5 et le 6 janvier de 11h à 17h.
Quel prix ? 150 kr plein tarif, 120 kr tarif réduit (étudiant/retraité), entrée gratuite jusqu’à 18 ans.
Où ? Prins Eugens Waldemarsudde, Prins Eugen väg 6, Djurgården, ligne 7 du tramway jusqu’à Waldemarsudde.
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