Le travail du textile en Suède appartient à une longue tradition de savoir-faire, à la frontière entre artisanat et art. Waldemarsudde consacre actuellement et jusqu’au 11 février 2018 une rétrospective à Annika Ekdahl, l’une des artiste textile les plus connues des pays nordiques.
Une inspiration historique
Annika Ekdahl est née en 1955 et travaille la tapisserie avec les mêmes techniques que celles utilisées au Moyen-Âge et à la Renaissance, mais avec des motifs de notre époque. L’exposition de Waldmarsudde retrace la production de l’artiste avec 16 tapisseries depuis 1994 jusqu’à aujourd’hui. Vues à quelques mètres de distance, elles ressemblent à des peintures : figuratives, modernes, narratives, décrivant une réalité quotidienne et poétique. Mais elles valent également le coup d’être observées de près : elles se décomposent alors en de nombreux «pixels» et dévoilent de nouveaux détails.
Même si les motifs sont modernes, l’artiste fait de nombreuses références aux motifs anciens des tapisseries. Annika Ekdahl s’inspire de tapisseries connues dans le monde entier, comme celles du château Wawel à Cracovie, du Metropolitan Museum à New York ou encore du Musée Cluny à Paris. Les animaux ont une place importante dans ses compositions : on retrouve des animaux mythiques du Moyen-Âge tels que la licorne, le cerf ou le lièvre, mais aussi des lapins ou même le chat de l’artiste. La sphère privée se mêle aux questions existentielles et universelles, dans des images où chacun peut se retrouver à sa manière.
Slow art — Un long processus
Le processus de création et surtout de production est très long : un mètre carré de tapisserie peut prendre plusieurs mois à tisser ; une tapisserie entière peut prendre plusieurs années. Au début, Ekdal travaillait manuellement, en peignant ses cartons de tapisserie ; aujourd’hui, elle compose ses images à l’ordinateur, mélangeant ainsi les techniques : numérique et moderne pour la création, manuelle et ancestrale pour la production.
L’artiste utilise toujours du lin pour ses fils de chaîne (ceux disposés dans le sens de la longueur). Elle tisse à l’horizontal, avec le motif face à elle. Cela suppose que la largeur de la tapisserie sur le métier à tisser est fixe (le plus souvent 3 m de large), mais que la longueur peut varier. Elle teint elle-même la laine avec laquelle elle tisse le motif, avec des pigments synthétiques, dans une casserole dans sa propre cuisine.
Au cours du tissage, pour mieux discerner les motifs, qui sont presque pixélisés quand on les regarde de près, Ekdahl utilise des jumelles à l’envers, pour visualiser l’effet produit une fois la tapisserie déroulée, accrochée à un mur, et vue à distance. Le résultat final n’est toutefois visible qu’une fois la tapisserie détachée du métier à tisser. Il n’y a donc que peu de possibilité de corriger d’éventuelles erreurs. Ekdahl ne travaille qu’à la lumière artificielle, car la lumière naturelle change l’apparence des couleurs. De même, les tapisseries finies ne peuvent être exposées à la lumière du soleil sans que cela n’altère les couleurs.
Des tapisseries en série
Annika Ekdahl compose souvent des séries de plusieurs tapisseries. La toute première qu’elle réalisa (entre 1994 et 1998) s’intitule Förste Prinsen (Le Premier Prince) et comprend sept tapisseries : Födelsedagen (L’Anniversaire), Förste Prinsen, Äldre Bröder i New York (Grands Frères à New York), Karta över en annan värld (Carte d’un autre monde), Tröjan (Le Pull), Anatomiska plansch över en ängel (Planche anatomique d’un ange) et Trädgården (Le Jardin). Cette série se caractérise par sa palette de rouges et son côté très pictural : on y voit clairement le processus de création avec par exemple des traces de pinceau ou des tâches de peinture.
La série Barockfesten (La fête baroque, réalisée entre 2000 et 2008) représente une fête dans une perspective aérienne naïve qui donne l’effet d’un collage. Le tapis Post festum fait écho à la tapisserie accrochée au mur dont il reprend la composition ; les invités ont quitté la table, sur laquelle ne reste plus que des miettes, des verres renversés, tandis que des libellules et des crânes de mort renforcent le thème de la vanité, courant à la Renaissance. La tapisserie date de 2000, tandis que le tapis a été achevé en 2017, juste avant l’ouverture de l’exposition. Le tapis est le résultat d’un travail collectif avec sept étudiants en esthétique de l’université de Göteborg qui ont réalisé les motifs, inspirés d’un tapis du XVIIème siècle conservé au Musée Jacquemart-André à Paris.
Cette exposition permet enfin d’associer la tapisserie à la période contemporaine, bien loin de Bayeux et des Gobelins !
Informations pratiques
Quand ? jusqu’au 11 février 2018, du mardi au dimanche de 11h à 17h, nocturne jusqu’à 20h le jeudi, fermé le lundi.
Quel prix ? 150 kr plein tarif, 120 kr tarif réduit (étudiant/retraité), entrée gratuite jusqu’à 18 ans.
Où ? Prins Eugens Waldemarsudde, Prins Eugen väg 6, Djurgården, ligne 7 du tramway jusqu’à Waldemarsudde.
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