Avec la disparition de Per Olov Enquist, écrivain, dramaturge, scénariste et journaliste, la Suède vient de perdre une de ses plus grandes figures culturelles.
Auteur d’une vingtaine de romans et recueils d’essais, de neuf pièces de théâtre et de cinq scénarios cinématographiques, Per Olov Enquist (prononcer [ènekviste]) est très connu en Suède comme à l’étranger, notamment en France et en Allemagne. Il est mort le 25 avril 2020 à l’âge de 85 ans, des suites d’un cancer, entouré de sa femme et de ses deux enfants.
Une carrière multiple et internationale
P. O. Enquist fit des études d’histoire à l’université d’Uppsala avant de commencer à travailler pour les quotidiens suédois Expressen et Svenska Dagbladet, entre 1965 et 1976. Il débuta en tant qu’écrivain en 1961 avec Kristallögat (L’Œil de cristal, non traduit en français). Le succès commença avec Le Cinquième Hiver du magnétiseur en 1964, mais c’est avec L’Extradition des Baltes (1968) qu’il perça vraiment ; ce livre fut plus tard adapté au cinéma par Morten Henriksen. Au théâtre, sa première pièce La Nuit des tribades (1975) fut traduite en 20 langues et jouée sur une quarantaine de scènes dans le monde entier, entre autre à Broadway et à New York. Dans la pièce Chez nous (1976), écrite conjointement avec Anders Ehnmark, il décrit la mécanique intérieure de la presse du soir, qu’il apprit à connaître en travaillant pour Expressen. Grâce à La Bibliothèque du capitaine Nemo (1991), Lewis resa (2001, Le Voyage de Lewis, non traduit en français) et surtout Blanche et Marie (2004), sa carrière internationale était assurée.
Une écriture marquée par l’enfance
P. O. Enquist est né en 1934 à Hjoggböle, dans le Västerbotten, au nord de la Suède, d’une mère institutrice et d’un père ouvrier portuaire, qui décéda avant que Per Olov fête sa première année. En 2017, il résuma son enfance ainsi : “Si vous êtes né au fin fond de la forêt, les arbres et le sol sont votre sécurité. Je n’avais pas de camarades de jeu, mais une grande forêt pour moi tout seul, cela a créé mon caractère, fort et constant. Je n’étais pas seul. J’avais les pins.” Son enfance dans le Västerbotten influença fortement sa prose, tant par l’usage de mots de norrländska et d’argot que par les thèmes abordés, comme par exemple la religion.
Un autre centre d’intérêt que l’on retrouve dans ses livres est le sport : dans Le Second (1971) où il est question d’un sportif qui fait scandale dans les années 1940 en trichant ou dans La Cathédrale olympique ou Munich 72 où il rassemble ses expériences de reporter pour Expressen à l’occasion des J.O. de 1972.
Un style “documentariste”
Son style peut être qualifié de “documentariste” dans le sens où il part toujours d’une réalité avérée, qui mélange les genres du reportage et de la fiction. Le roman Blanche et Marie est peut-être le roman le plus emblématique de ce courant, dans lequel il fait les portraits de Blanche Wittman, une célèbre patiente de Charcot à la Salpêtrière, et de Marie Curie. Enquist entre dans la fiction quand il fait de Blanche l’assistante de Marie, alors que les deux femmes ne se sont jamais rencontrées dans la réalité.
Engagement politique
Enquist a participé à jeter les bases de la politique culturelle sociale-démocrate suédoise. Il a siégé au conseil d’administration de la radio (Radionämnden) et a participé activement à l’élaboration du projet de loi sur la culture en 1974 ainsi qu’à l’enquête publique sur le cinéma en 1999.
De nombreux prix littéraires
En 2008, Enquist fut récompensé par le prix August pour son autobiographie Une autre vie, parue la même année : un roman, écrit à la troisième personne, où il fait le portrait d’un fils d’institutrice qui devint membre de la ligue de tempérance locale, athlète en saut en hauteur prometteur puis auteur connu, qui vécut à Los Angeles, Berlin, Paris et Copenhague, mais qui lutta aussi de nombreuses années contre l’alcoolisme.
Il collectionna les prix littéraires en Suède, mais aussi à l’étranger : Independent Foreign Fiction Prize en Angleterre, Corine-priset en Allemagne, Österreichischen Staatspreis für Europäische Literatur en Autriche. Un prix (de 5 000 €) fut créé en son honneur par son éditeur Nordstedt à l’occasion de ses 70 ans, en 2004. Il est distribué annuellement à un jeune auteur qui est en train de percer en Europe.
Il fut nommé professeur emeritus par les universités d’Uppsala et d’Oslo. Pour les critiques littéraires, son importance depuis les années 60 est incontestée ; en tant qu’auteur avec un fort engagement social, il a influencé toute une génération d’auteurs plus jeunes.
Per Olov Enquist traduit en français
Romans
- Le Cinquième Hiver du magnétiseur
- Hess
- L’Extradition des Baltes
- Le Second
- Le Départ des musiciens
- L’Ange déchu : un roman d’amour
- La Bibliothèque du capitaine Nemo
- Le Médecin personnel du roi – prix du Meilleur Livre étranger 2001
- Blanche et Marie
- Le Livre des paraboles
Nouvelles
- Récits du temps des révoltes ajournées
Pour les plus jeunes
- Grand-père et les Loups
- La Montagne aux trois grottes
Théâtre
- La Nuit des tribades
- Pour Phèdre
- L’Heure du lynx
- Marie Stuart : trente-neuf tableaux sur l’amour et la mort
- Selma
Autobiographie
- Une autre vie
Divers
- La Cathédrale olympique ou Munich 72
- Écrits sur le sport
- Strindberg, une vie
- Strindberg, une vie
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