La bande dessinée en Suède

 

La bande dessinée en France est un pilier de la culture populaire, ce genre artistique est d’ailleurs reconnu comme « neuvième art » depuis 1964 ! Des auteurs francophones comme Hergé et Goscinny ont marqué l’histoire avec des séries emblématiques comme Tintin et Astérix que nous avons tous lues et relues et qui font partie de notre patrimoine.

En Suède, bien que moins populaire, la bande dessinée a aussi une place importante et les auteurs et institutions liés à cet art s’efforcent de casser l’idée générale que ce genre littéraire est à destination des enfants, une idée qui semble persister. Nous comptons de nombreux auteurs-dessinateurs talentueux, satiriques, humoristiques, politisés, et chaque année de jeunes auteurs et autrices font leurs débuts en apportant leur touche, renouvelant le genre et nous permettant d’en apprendre toujours plus sur la culture suédoise.

Courte introduction à la bande dessinée en Suède

La bande dessinée suédoise a émergé vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, influencée par la presse illustrée et les comics américains. L’expert en bande dessinée suédoise, Fredrik Strömberg, donne l’exemple d’Oskar Andersson surnommé “OA” et de son célèbre personnage “Mannen som gör vad som faller honom in” (que l’on peut traduire par l’homme qui n’en fait qu’à sa tête).

Les premières bandes dessinées, comme Adamson de Oscar Jacobsson en 1920, étaient principalement des strips humoristiques publiés dans des magazines et journaux. Adamson est devenu l’une des premières bandes dessinées suédoises à connaître un succès international. Dès lors, le format des strips humoristiques a dominé la scène suédoise pendant plusieurs décennies. Un autre classique à ne pas louper:  91:an de Rutolf Petersson. La série a débuté en 1932 et est toujours publié sous forme de magazine bimensuel aujourd’hui !

Si l’influence américaine est forte, on peut également noter une importante influence de la bande dessinée franco-belge, notamment par l’adoption de la ligne claire (dessin aux traits simples avec aplats de couleurs). Cette influence s’observe particulièrement à partir des années 1960 et 1970. Cette période marque l’arrivée de magazines comme Tintin et Spirou en Suède, introduisant des styles et des narrations typiques de la BD franco-belge.

Des auteurs suédois commencent alors à adopter des éléments de cette école, notamment avec une mise en page dynamique et des récits d’aventure plutôt que des strips humoristiques. L’influence s’observe également dans le type d’humour et le ton des histoires. Des créateurs comme Joakim Pirinen ou Max Andersson, tout en gardant une identité suédoise forte, montrent dans leurs travaux l’impact des bandes dessinées franco-belges, notamment en termes d’exploration de genres et de thématiques variées.
La bibliothèque Serieteket a d’ailleurs présenté une exposition sur cette thématique en 2023, vous pouvez lire quelques infos ici.

Les années 1990 voient un essor des BD indépendantes et alternatives, avec des œuvres plus introspectives, souvent publiées par des maisons comme Galago. Aujourd’hui, la scène suédoise est dynamique, mêlant humour, critique sociale et expérimentations artistiques.

©Adamson d’Oscar Jacobsson

 

Les auteurs contemporains célèbres

Contrairement à la France, les créateurs de bande-dessinée suédois collaborent peu entre eux, et nous retrouverons les collaborations auteur-dessinateur surtout dans la BD jeunesse. Nombreux sont les artistes dans ce domaine qui créent leurs œuvres de toute pièce, étant à la fois en charge du scénario, du dessin et de la couleur.

Et si nous faisions un tour rapide des « grands noms » de la bande dessinée suédoise et adulte d’aujourd’hui ?

Parmi les plus notables figurent Anneli Furmark, connue pour ses récits introspectifs, Sara Granér, avec son style satirique et engagé, et Kobeinn Karlsson, célèbre pour ses œuvres fantastiques et étranges. Nombreuses sont les auteures femmes qui ont fait leurs débuts de façon retentissante ces deux dernières années, comme Matilda Josephson, Iris Hautaniemi ou encore Ditte Lindroth.

En France, les auteurs suédois de bande dessinée les plus connus incluent Anneli Furmark (notamment pour Hiver Rouge), Knut Larsson (Aniara, Triton), Pelle Forshed (Histoires de Famille), Liv Strömquist pour ses BD féministes et modernes (La rose la plus rouge s’épanouit, les Sentiments du Prince Charles).

Roman graphique de Pelle Forshed publié en français chez l’Agrume

 

La bande dessinée pour les petits

La Suède est connue pour ses nombreux illustrateurs et illustratrices de livres enfants de grand talent ! Nous pouvons citer par exemple Elsa Beskow, Jenny Nyström, Birgitta Lilliehöök ou encore Ottilia Adelborg, précurseurs de la bande dessinée enfant suédoise de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

De nos jours, nous comptons plusieurs séries très populaires qui s’exportent à l’international :

  • Bamse – världens starkaste björn (Bamse – l’ours le plus fort du monde), créé par Rune Andréasson, apparut pour la première fois à la TV en 1966 et en revue en 1973. Le périodique perdure toujours aujourd’hui et est présent dans la plupart des bibliothèques suédoises. Bamse est traduit dans diverses langues scandinaves.
  • Siri & vikingarna (Siri et les vikings), une série de Per Demervall et Patrik Nyström qui raconte les aventures de la jeune viking Siri, connait un succès retentissant et s’exporte à l’international (notamment en Chine et en Australie).
  • LasseMajas Detektivbyrå (Agence de détectives de Lasse et Maja) est à l’origine une série de livres écrite par Martin Widmark, qui a été déclinée en jeu vidéo, films, feuilletons TV, périodique de bande dessinée, et ce dans diverses langues (anglais, allemand, danois…).
  • Hokus Pokus de Fabian Göransson, dont le personnage principal est une jeune sorcière. Une série populaire, également disponible en français.

 

Ted Johansson & Jimmy Wallin, dessinateurs de Bamse, au festival d’Ystad ©Oda Lajoy

Les institutions

Plusieurs institutions suédoises jouent un rôle clef dans la promotion de la bande dessinée. Parmi elles, Seriearkivet (Archives suédoises de la bande dessinée) conserve et expose des œuvres importantes, contribuant à la préservation de l’histoire de la bande dessinée suédoise.

Au sein de Seriearkivet avec Fredrik Strömberg ©Oda Lajoy

Serieteket, une bibliothèque située à Stockholm au sein de Kulturhuset, s’est spécialisée dans la bande dessinée, les comics et les romans graphiques adultes et organise régulièrement des expositions, des rencontres et des ateliers. Serieteket héberge chaque année le festival international de la bande dessinée de Stockholm (Stockholms Internationella Seriefestival), un festival qui rassemble chaque année au mois de mai des professionnels, des amateurs / créateurs de fanzines, des passionnés.

Enfin, Seriefrämjandet, fondée en 1968, est une institution qui a pour but la promotion de la bande dessinée en Suède à travers l’organisation de divers événements et ateliers. L’association est à l’origine de divers festivals, comme Ystad Seriefestival (auparavant Skillinge Seriefestival), Seriefest i väst qui a eu lieu ce mois d’octobre 2024. En plus de cela, Seriefrämjandet publie la revue Bild & Bubbla, l’une des plus importantes en Suède pour les amateurs de bandes dessinées.

Les prix

Divers prix récompensent des auteurs-dessinateurs suédois et internationaux chaque année en Suède.

  • Le prix Urhunden

Ce prix, créé en 1987, remis chaque année par Serieframjändet récompense deux artistes pour la publication de leur livre l’année précédente.

La première catégorie du prix récompense la meilleure bande dessinée originellement publiée en suédois. Ce titre fut remis en 2024 à Ulla Donner pour Den Naturliga Komedin (que l’on peut traduire par La Comédie Naturelle). Si ce titre n’est pas encore disponible en français, Ulla Donner vient d’être publiée dans notre langue chez Atrabile avec son livre Saleté.

La deuxième catégorie récompense la meilleure bande dessinée traduite en suédois l’année précédente et fut remis cette année à l’Autrichienne Ulli Lust pour son roman graphique Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien, son livre ayant été publié en suédois l’an passé.

Den naturliga komedin par Ulla Donner, récompensé par le prix Urhunden en 2024 ©Oda Lajoy
  • Le prix Adamson

Un prix suédois qui se compose également en 2 catégories pour récompenser la totalité de l’œuvre d’un auteur international et celle d’un auteur suédois.

Cette année le prix a été remis au couple Wendy et Richard Pini connus pour leur série fantastique Elfquest, ainsi qu’au suédois Lars Sjunnesson (publié en français chez les éditions l’Association).

  • Kohlemainenpriset / Prix Kohlemainen

Nommé en hommage à Kristiina Kolehmainen, bibliothéciare finno-suédoise qui a beaucoup œuvré pour Serieteket et le festival de la BD de Stockholm, récompense chaque année un fanziniste non publié par une maison d’édition. Ce prix permet à l’artiste désigné d’exposer ses dessins au sein de Kulturhuset lors du prochain festival international de la BD de Stockholm.

Les tendances actuelles

Selon l’expert en bande dessinée suédoise, Fredrik Strömberg, nous pouvons reconnaître trois tendances dans ce 9e art en Suède actuellement :

  • La bande dessinée féministe et satirique, avec des autrices comme Liv Strömquist, Ellin Lucassi, Nina Hemmingsson, Sara Granér.
  • La bande dessinée autobiographique. Ce genre est très populaire en Suède et de nombreux auteurs-dessinateurs suédois utilisent leur propre vie comme base de leur roman graphique. Citons par exemple des auteurs comme Åsa Schagerström, Matilda Josephson, Pelle Forshed, Mats Jonsson…
  • Les webtoons SF et fantasy. Force est de constater l’évolution grandissante des webtoons, ces bandes dessinées digitales. Des séries suédoises populaires comme Uriah de Magnolia Winroth qui cumule plusieurs centaines de milliers de lecteurs chaque semaine. Cette série est également disponible sur papier, publiée chez Nosebleed Studio.

Que lire ?

Voici quelques auteurs que nous vous conseillons de découvrir, que vous désiriez lire en français ou vous plongez dans l’actualité suédoise !

En français :

  • L’incontournable Liv Strömqvist avec La rose la plus rose s’épanouit publié chez Rackham.
    Pour s’initier au courant féministe de la BD suédoise.
  • Anneli Furmark avec Un soleil entre des planètes mortes (éditions ça et là)
    Pour les âmes poétique qui désirent se plonger dans un livre paisible, introspectif et solitaire.
  • Erik Svetoft, SPA (éditions employé du Moi)
    Pour les amateurs de BD avantgardise et d’horreur, appréciant l’esthétique manga et les clins d’œil artistiques.
Pelle Forshed lors du book release de son nouveau roman graphique, Club Lonely. ©Ulf Mårtensson

En suédois

  • Mats Jonsson, Stinas Jojk (Alfabeta)
    Après avoir était célébré pour son imposant roman graphique När vi var samer (Quand nous étions sames), Mats Jonsson revient avec un nouveau livre Stinas Jojk, à propos de Stina Larsdotter, une same qui atteint la taille de 2m18 au XIXe siècle.
  • Matilda Josephson, Mjölk och människor (Galago).
    La jeune Matilda fait ses débuts avec ce premier roman graphique qui utilise son quotidien de vendeuse à ICA pour nous délivrer un livre comique et attachant.
  • Pelle Forshed, Lonely Club (Galago).
    Pelle Forshed a été traduit plusieurs fois en français. Il dévoile ici l’histoire d’un auteur de bande dessinée qui essaye de percer l’anonymat. S’identifiant comme le “Hjälmar Söderberg” de la bande dessinée, le désir de reconnaissance du dessinateur le pousse à diverses situations drôlatiques et désespérées.

Pour en savoir plus…

Abonnez-vous au compte Instagram @bd_grand_nord pour découvrir des pépites de la bande dessinée suédoise mais aussi scandinave et finlandaise ou, si vous maitrisez le suédois, consultez le site de Bild & Bubbla.

 

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