Avec ses terrasses de bars ouvertes, ses stations de ski prêtes à accueillir les vacanciers, la Suède se démarque dans la lutte contre le coronavirus et n’envisage toujours pas le confinement ou « lock down ». Comptant sur la responsabilité individuelle de ses 10 millions d’habitants, le gouvernement a choisi d’adopter des méthodes moins restrictives que les autres pays, qui se limitent essentiellement à des recommandations et à des appels à la discipline. À travers quelques questions simples mais essentielles, essayons de comprendre le scénario suédois avec des réponses voulues les plus objectives possibles.
Pourquoi les écoles ne sont pas fermées ?
Depuis le 18 mars, suite à une recommandation du gouvernement (et non une obligation), les lycées et les universités sont fermées. Mais les crèches, les écoles et les collèges sont toujours ouverts.
Selon Folkhälsomyndigheten, l’Agence de la santé publique, la fermeture des écoles pour les jeunes enfants n’est pas une mesure utile pour contenir le virus à ce stade, « aucune étude scientifique ne montre qu’une telle mesure aurait une action significative ». (Source : folkhalsomyndigheten.se) « La fermeture des écoles n’a pas ou très peu d’effet sur la propagation de l’infection. Si on considère les points de vue sociétal et social, l’école joue également un rôle important. » (Source : folkhalsomyndigheten.se).
Pour expliquer cette volonté de ne pas fermer les écoles, les raisons invoquées sont :
- L’école est un point de repère important dans la vie des jeunes enfants.
- L’infection des enfants contaminés par le coronavirus reste le plus souvent bénigne, et les enfants ne représentent donc qu’une faible proportion des cas déclarés de coronavirus. Selon Folkhälsomyndigheten, « aujourd’hui, il y a peu de connaissances sur l’ampleur de la propagation du virus entre les enfants et aucun rapport n’indique encore une propagation plus étendue au sein de groupes d’enfants », tout en reconnaissant que même s’ils présentent des symptômes bénins, les enfants peuvent transmettre l’infection à d’autres… (Source : folkhalsomyndigheten.se)
- Les jeunes enfants ont besoin d’être gardés en cas de fermeture de leurs écoles, ce qui demande une organisation particulière pour les parents, et les oblige probablement à rester chez eux, sans pouvoir travailler. Ce phénomène est aggravé par l’impossibilité de faire appel aux grands-parents, qui sont des personnes à risque.
- En période de crise sanitaire, on ne peut prendre le risque que les parents qui occupent des postes importants pour la société — en particulier le personnel médical — doivent rester à la maison pour garder leurs enfants. Le gouvernement travaille donc sur une loi permettant de garantir la garde des enfants pour les parents ayant un travail vital pour la société ; ce que la législation actuelle ne permet pas, puisque la loi suédoise stipule que tout le monde doit être traité sur un pied d’égalité.
Il existe une autre raison, propre à la Suède : ce sont les municipalités qui sont responsables des écoles publiques. Le gouvernement a donc promulgué une nouvelle loi — le 19 mars — lui accordant le droit de fermer les écoles, en cas d’urgence…
En parallèle, un nouveau règlement s’applique également depuis le 16 mars (valable jusqu’au 30 juin) permettant aux chefs d’établissement de décider de la fermeture de leurs écoles, lorsqu’une grande partie du personnel est absente en raison du virus, ou après consultation d’un médecin de contrôle des infections. (Source : folkhalsomyndigheten.se).
Selon un dernier sondage, 7 Suédois sur 10 ne souhaiteraient pas que les autorités ferment les écoles. (Source : Expressen)
Sans attendre l’hypothétique et future fermeture des écoles, de nombreux parents ont déjà fait le choix de garder leurs enfants chez eux.
Pourquoi les bars, restaurants et commerces non essentiels ne sont pas fermés ?
Le gouvernement suit les recommandations de son agence sanitaire qui juge pour le moment qu’un confinement total a plus d’inconvénients que de bénéfices. La Suède fait le choix et le pari de favoriser le développement d’une immunité collective (herd immunity), en estimant que la plupart des personnes qui contracteront le virus ne développeront qu’une forme légère de la maladie.
Toute personne présentant des symptômes du coronavirus (fièvre, toux sèche, mal de gorge) et n’ayant pas de pathologie sous-jacente (hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires, maladies pulmonaires ou diabète…), est simplement invitée à rester chez elle et à limiter les contacts sociaux, en attendant 2 jours après la disparition des symptômes.
Par ailleurs, des mesures sont prises :
- pour ralentir la progression du coronavirus et ne pas surcharger d’un coup les services de santé : campagne lancée sur les mesures d’hygiène, télétravail encouragé dans la région de Stockholm, interdiction des rassemblements de plus de 500 personnes, fermeture des lycées et universités, voyages « non essentiels » déconseillés, tables de restaurants à espacer…
- pour protéger les personnes à risque : personnes de plus de 70 ans invitées à limiter au maximum leurs sorties et les contacts sociaux, visites dans les hôpitaux et les résidences pour personnes âgées à éviter ou annuler en cas de symptômes… (Source : krisinformation.se)
Peut-on se fier aux chiffres, qui est vraiment testé ?
Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise un dépistage massif — afin d’isoler et tracer les personnes contaminées — la Suède réserve depuis le 13 mars les tests aux personnes hospitalisées (donc les cas les plus graves) et au personnel médical ou travaillant dans les maisons de retraite. (Source : folkhalsomyndigheten.se)
Tous les cas ne sont donc pas comptabilisés, le nombre réel de personnes infectées est bien supérieur à celui communiqué. Cela signifie également que le nombre de cas avant et après le changement de dépistage (13 mars) n’est pas comparable.
Le nombre de personnes contaminées est communiqué chaque jour à 14h00, accompagné d’une analyse statistique par âge et sexe : folkhalsomyndigheten.se.
Les hôpitaux sont-ils prêts ?
Que font nos voisins ?
- En Finlande, l’état d’urgence a été décrété, la frontière est fermée aux non-résidents et les rassemblements de plus de 10 personnes sont interdits.
- En Norvège, seules les personnes présentant des symptômes suspects et celles atteintes du virus mais non hospitalisées, doivent rester chez elles, mais les autorités invitent la population à limiter les contacts sociaux. Le gouvernement a également interdit aux propriétaires de se rendre dans leur résidence secondaire pour empêcher la propagation du virus. Les frontières terrestres sont fermées et tous les voyageurs venant de l’étranger doivent respecter une période de confinement de 14 jours. Les voyages à l’étranger sont interdits pour les personnels de santé. Les bars et restaurants peuvent ouvrir s’ils peuvent faire respecter une distance entre les clients d’au moins un mètre. La Première Ministre Erna Solberg a expliqué tout simplement aux enfants comment ils pouvaient aider leur pays : “En restant à la maison, tu aides les gens à ne pas être contaminés et à ne pas tomber malade. C’est très important pour ceux qui sont déjà malades ou qui sont très vieux.” (Source : huffingtonpost)
- Au Danemark, les fonctionnaires dont le rôle n’est pas crucial sont également priés de rester chez eux. Les rassemblements de plus de dix personnes sont interdits.
Bonjour,
Il ne me semble pas que le gouverenement ait interdit de se rendre dans sa résidence secondaire. Au contraire, le DG de Folkhälsomyndigheten a dit en conf de presse vedredi dernier que cela dépend : si on voyage avec sa propre voiture, on va dans sa résidence et on a les moyens de rentrer chez soi en voiture propre en cas de souci, c’est tout à fait envisageable. Chacun doit exercier son sens de responsabilité et décider en fonction. Avez-vous d’infos officielles contraires ?
Il est question de la Norvège concernant l’interdiction de se rendre dans sa résidence secondaire, dans le paragraphe « que font nos voisins ? »
Correct, excuses pour la confusion !
Merci beaucoup pour ces informations.
La Suède se distingue de ses voisins scandinaves. Aurait-elle abandonné le Jantelagen ?
Sachant que l’accès à l’information doit être à peu près le même pour tous les gouvernements, c’est étonnant de voir des stratégies aussi différentes d’un pays à l’autre.
« tu ne dois pas croire que tu es plus intelligent/meilleur que les autres, que tu sais mieux que les autres »… semble en effet ne pas s’appliquer en cas de pandémie, très bonne remarque !