Le Fotografiska consacre jusqu’au 2 décembre 2018 une rétrospective au photographe suédois Lars Tunbjörk. Intitulée Tunbjörklandet — blicken från sidan, « le pays Tunbjörk — le regard de côté », l’exposition montre une vision de la Suède au quotidien, à la limite entre photo documentaire et photo artistique. Rien n’est laissé au hasard : le cadrage, la composition et les couleurs sont savamment étudiées. Chaque cliché soulève des questions existentielles, malgré leur apparence a priori ordinaire. Le photographe nous interpelle et nous incite à considérer la banalité du quotidien.
Lars Tunbjörk était un photographe suédois, né en 1956 à Borås, et décédé en 2015. L’exposition du Fotografiska est l’œuvre de sa veuve Maud Nycander, réalisatrice de films, et du photographe Hasse Persson. Tunbjörk débuta sa carrière en tant que photographe pour le journal local Borås Tidning avant de venir s’installer à Stockholm, où il travailla pour Aftonbladet et Stockholms-Tidningen (qui n’existe plus aujourd’hui). En parallèle avec son œuvre journalistique, Tunbjörk a publié une dizaine de livres : Landet utom sig en 1993, Kontor en 2001, Home en 2002 et Vinter en 2007 pour ne donner que quelques exemples.
Le style Tunbjörk
Le style photographique de Tunbjörk se situe à la frontière entre documentaire et artistique. Il était le photographe qui remarquait les détails que personne d’autre ne voit, et encore moins photographie. Il n’est pas rare que ses clichés aient un côté un peu surréalistique, avec des angles de vue inhabituels, des accords de couleurs inattendus, et pourtant authentiques.
Ce qui caractérise les photos de Tunbjörk, c’est qu’elles n’ont en fait rien de particulier : elles illustrent un quotidien apparemment banal. Il photographiait les petites villes suédoises et leurs habitants, un peu à la manière de l’Anglais Martin Parr : sans concession, et souvent avec un clin d’œil, une pointe de tendresse voire même une once de poésie.
Quand Tunbjörk photographie des rues commerçantes de petites ville suédoises, il réussit à leur donner une dimension américaine : la mélancolie, la solitude d’un être humain, le rouge, le bleu et le jaune d’un coin de rue d’Avesta font de lui un Edward Hopper moderne.
Kontor — Bureaux
Mais à partir des années 2000, un changement s’opère dans le regard de Tunbjörk. Stylistiquement, on reconnaît son langage ; dans la série de photos Kontor, il utilise souvent des points de vue inattendus, pour renforcer l’absurdité des conditions de travail, des tâches de travail. Mais au fil des photos, le sourire se mue en une sorte de sentiment claustrophobique et des questions existentielles surgissent : Que fait-on de nos vies ? Le travail est-il vraiment la santé ? À quel point nous leurrons-nous ? Sommes-nous vraiment libres dans nos open spaces ?
Home
Les photos de la série Home peuvent aussi provoquer de nombreux sentiments : d’abord le sourire, le rire, puis une sorte de mélancolie, quand on comprend enfin l’amplitude de ce que Tunbjörk a voulu documenter. Ces photos, vides d’être humain, à l’exception d’une femme sans tête portant un seau et une pelle, sont considérées comme les œuvre les plus intimes de Tunbjörk : des maisons de quartiers résidentiels de Borås, Hedemora, Varberg och Västerås, mais au final anonymes, des aires de jeux pour enfants plus ou moins désaffectées, des intérieurs blancs de propreté, aseptisés… Tunbjörk a décrit là sa vision de la Suède au début des années 2000.
Vinter — L’hiver
”Jag tycker att det är hemskt när ljuset försvinner. » (”Je trouve que c’est terrible quand la lumière disparaît.”) Lars Tunbjörk déprimait l’hiver en Suède (et c’est probablement la raison de sa disparition soudaine). Pour y remédier, il prenait des missions à l’étranger, où il retrouvait le goût du travail. Mais pour le quotidien Göteborgs-Posten, il releva en 2004 le défit de faire une série de photos sur l’hiver suédois. Il eut du mal à trouver l’inspiration, mais quand la deadline se rapprochait, alors qu’il était à Kiruna, il y eut comme un déclic et il se mit à photographier tout ce qu’il voyait. Il répéta l’opération deux hivers supplémentaires, ce qui résultat en un livre, Vinter, et en une exposition au Moderna Museet. Ce travail fut récompensé par le Grand Prix de Scanpix en 2008. Interviewé à l’occasion, le photographe déclara que son ambition avait été de mêler sa vision subjective des choses et son état mental à une description contemporaine objective.
Ne manquez pas la série de portraits en noir et blanc au début de l’exposition, pour découvrir une autre facette du photographe !
Si vous allez au Fotografiska avant le 18 novembre, vous aurez également la possibilité de découvrir le monde onirique de la photographe française Noémie Goudal.
Informations pratiques
Où : Fotografiska, Stadsgårdshamnen 22, Stockholm, métro Slussen puis 10 minutes de marche
Quand : jusqu’au 2 décembre 2018
Horaires d’ouverture : du dimanche au mercredi de 9h à 23h, du jeudi au samedi de 9h à 1h
Combien ça coûte ? 145 kr plein tarif, 115 kr tarif réduit (étudiant/retraité), gratuit jusqu’à 12 ans
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