Chaque année, Språkrådet (le Conseil des langues de Suède), recense les nouveaux mots apparus dans la langue suédoise. L’année 2020 est indéniablement dominée par le coronavirus, cela se reflète également dans la langue suédoise. Voici la liste des nouveaux mots de l’année 2020.
Le maître-mot de 2020 est bien sûr covid-19 (covid-nitton en suédois) avec dans son sillon la social distansering (distanciation sociale) et sa tvåmetersregeln (la règle des 2 mètres). De nombreux établissements et commerces ont dû être coronaanpassade (adapté leurs activités pour réduire la propagation du coronavirus) et on s’est habitué à se saluer avec les coudes, les poings ou les pieds avec le coronahälsning. Quelques superspridare (personne qui contamine un grand nombre de personnes) ont causé des klustersmitta (cluster de contamination). Certains pays ont imposé un lockdown tandis qu’en Suède une partie de la population s’est mise en självkarantän (auto-quarantaine), dans le but de platta till kurvan (aplatir la courbe) et de faire baisser le R-tal (R0). Nous avons vu surgir de nombreux hobbyepidemiologer (épidémiologistes amateurs) sur les réseaux sociaux, bien souvent des lesserwisser (personnes moins informées qui expliquent un phénomène à une personne qui s’y connaît mieux), qui ont participé, en parallèle de la pandémie, à l’infodemi (propagation mondiale de rumeurs malveillantes). Gageons que ces personnes n’ont pas un niveau d’hälsolitteracitet (capacité à comprendre et évaluer des informations sur la santé) très élevé…
Dans certains pays, on a parlé de hungerpandemi, la faim causée par la crise de la pandémie. Cet été, ont été établis des turistkorridorer, des couloirs touristiques, pour permettre les voyages de vacanciers entre pays où la propagation de virus est faible, mais certaines régions ont été touchées d’underturism (sous-tourisme), lorsque le nombre de visiteurs fut trop faible pour qu’elles s’en sortent économiquement. Nombre de voyageurs ont voulu se procurer des immunitetspass, des certificats prouvant leur immunité au coronavirus et leur permettant de voyager ou de visiter certains endroits. En Suède, une des conséquences de la crise du coronavirus est la vårdskuld, la dette de soins due au report d’opérations pour cause de soins plus urgents.
Un peu moins de la moitié de la population suédoise s’est mise au télétravail et a découvert les joies des réunions en ligne : avez-vous fait l’expérience du Zoombombning, une invasion de participants non-invités à une réunion Zoom, avant que la plateforme ne soit mieux sécurisée ? Vous avez probablement tous au moins fait une fois l’erreur de vous mjuta vous-même (fermer le micro dans une réunion en ligne) ! À l’approche de Noël, certaines personnes étaient tellement désespérées qu’elles ont commencé à fêter l’avent en novembre pour apporter un peu de joie dans leurs vies : novent (november + avent).
Malgré tout, la pandémie n’a pas réussi à reléguer la question climatique au dernier plan : les boomer avaient visiblement du mal à comprendre la situation actuelle, les agriculteurs en Amazonie ont fait preuve de växtblindhet (manque de compréhension de l’importance des plantes pour la vie sur terre, de l’anglais « plant blindness »), tandis que les cirkulent trouvaient des moyens de consommer de manière durable, par exemple en recyclant. Dans le domaine artistique, on a vu naître un nouveau courant, le cli-fi qui traite de la question climatique par la fiction. On s’est aussi rendu compte que des feux de forêt pouvaient « hiverner » sous une couverture de neige et reprendre au retour du printemps : on les appelle des zombiebrand.
Suite au mouvement Black Lives Matter ont eu lieu plusieurs statyprotester, des manifestations remettant en question les statues de personnes qui ont opprimé des peuples. Un autre phénomène, la cancelkultur, empêche les personnes ayant des idées controversées de s’exprimer.
Dans le domaine relationel, et dans le sillage du mouvement #metoo, on a vu l’arrivée d’une nouvelle profession en Suède : les intimitetskoordinatorer (coordinateurs d’intimité) veillent à ce que les scènes de sexe au théâtre et au cinéma soient sécurisées pour les acteurs. Vous êtes-vous fait aborder par un simp, une personne qui, par la flatterie, essaye de susciter votre intérêt romantique ou sexuel (de l’anglais « simpleton », niais) ? Ou avez-vous eu à faire à un kanskeman, un homme qui ne veut pas s’engager dans une relation (kanske signifie « peut-être ») ? Et avez-vous fait l’expérience du kemsex, une relation sexuelle combinée à l’utilisation de drogues pour augmenter les sensations ?
Si vous habitez à la campagne, peut-être avez-vous construit un bolundare dans votre jardin, une cabane de 30 m2 qui n’exige pas de permis de construire (du nom du ministre du Logement, Per Bolund) pour éventuellement la louer à un jeune, portant une becknarväska (petite sacoche portée en bandoulière sur le thorax).
Nous espérons en tout cas que vous n’avez pas été victime de förnedringsrån, un vol accompagné d’humiliation pour la victime.
Si vous pariez sur les matchs de foot ou autres compétitions sportives, vous avez peut-être reçu un kamikazetips, une prédiction très risquée sur le résultat quand les conditions de départ sont totalement ou partiellement inconnues.
Pour finir, un dernier conseil : dans les commerces, soyez vigilants face à la krympflation, une réduction du contenu d’un paquet sans réduction de prix équivalente (de krympa = réduire + inflation).
Ah mais pas facile de tout mettre dans le texte mais bravo et c’était intéressant, merci !
Merci Val !
« bolundare » et « kamikazetips » m’ont bien fait rire, moi qui me met au suédois. Merci pour cet article !