C’est bien connu, les classiques littéraires d’un pays sont souvent perçus comme des sortes de portes ouvertes sur son histoire et sa culture. Lire les classiques, c’est découvrir bien plus que des récits un peu anciens, c’est surtout en apprendre plus sur l’histoire et l’histoire littéraire du pays. Dans cet article, la Suède en kit vous propose de découvrir trois classiques suédois incontournables, traduits en français et qui témoignent de l’évolution et de la profondeur de cette culture littéraire unique. Ce sont ces récits qui ont marqué (et marquent encore) l’histoire de la Suède, capturant les aspirations, les traditions et les dilemmes moraux qui ont façonné la société suédoise à travers les siècles.
La Saga des Émigrants, Vilhelm Moberg (Utvandrarserien)
La Saga des Émigrants de Vilhelm Moberg (1898-1973) est une fresque épique qui retrace le destin de nombreux Suédois au XIXe siècle, en quête d’une vie meilleure en Amérique. À travers plusieurs tomes (4 en suédois, 5 ou 8 en français selon l’édition), Moberg dépeint avec une précision poignante les espoirs, les luttes et les rêves des émigrants. Le récit suit principalement Karl-Oskar et sa femme Kristina, originaires du Småland, région qui à l’époque fut marquée par la pauvreté et les difficultés économiques. Décidés à échapper à leur existence appauvrie, ils entreprennent un périlleux voyage à travers l’Atlantique, avec l’espoir de trouver fortune sur les terres fertiles du Minnesota. L’histoire commence par les motivations qui poussent Karl-Oskar et Kristina à quitter leur patrie. Moberg décrit avec minutie leur pénible traversée de l’océan, marquée par de nombreux défis et dangers, et leur arrivée dans le Nouveau Monde, où ils doivent s’adapter à une vie et un climat complètement différents. Une fois installés dans le Minnesota, les émigrants doivent faire face à de nouvelles épreuves en bâtissant une vie nouvelle, souvent marquée par la nostalgie de la Suède et les défis de l’intégration. Les conséquences de cette émigration sur les générations suivantes sont également explorées dans les derniers tomes à travers les enfants de Karl-Oskar et Kristina, qui s’efforcent de perpétuer l’héritage et les rêves de leurs parents, tout en forgeant leur propre identité dans un pays étranger. Si vous aimez les thèmes autour de l’exil, de l’identité et de la lutte des classes avec une grande humanité, ce classique est fait pour vous !
Un classique, pourquoi ?
La Saga des Émigrants est un grand classique de la littérature suédoise, adaptée de nombreuses fois à l’écran, connue de tous et encore étudiée à l’école et à l’université. Elle offre un aperçu puissant et émouvant de l’histoire de l’émigration suédoise, mettant en lumière la complexité des expériences humaines et l’universalisme des aspirations des émigrants. Par sa richesse narrative et son exploration des émotions et des défis que rencontrent les personnages, cette œuvre reste un témoignage intemporel des espoirs et des luttes des émigrants à la recherche d’un nouveau départ !
En français, il est possible de la retrouver en 8 tomes aux éditions Gaïa mais aussi en 5 tomes aux éditions Le livre de poche. La traduction du suédois est signée Philippe Bouquet.
Baltiques (oeuvres complètes 1954-2004), Tomas Tranströmer
Tomas Tranströmer est considéré comme l’un des plus grands poètes Suédois de sa génération et est traduit à ce jour dans près de 70 langues. À la fois psychologue et poète, il porte un intérêt tout particulier à ces points d’accès à l’âme humaine. En 2011, il reçoit le prix Nobel de littérature et ce choix est justifié par le comité qui explique que la poésie de Tranströmer « donne un nouvel accès au réel en images condensées et translucides ». Bien qu’il soit reconnu depuis des décennies en Suède, le public francophone ne l’a découvert qu’assez récemment. D’après Kjell Espmark, membre de l’Académie suédoise, cela s’explique par le fait que la poésie de Tranströmer reste assez éloignée de la grande tradition rhétorique souvent retrouvée dans la poésie française. Ces poèmes sont souvent décrits comme une sorte d’analyse permanente de l’énigme de l’identité individuelle face à la diversité labyrinthique du monde. La Suède est dépeinte dans ses poèmes avec un certain brin de mélancolie et il arrive même à rendre ses derniers poèmes, des haïkus, indubitablement suédois. Il s’approprie la structure comme si elle avait été inventée dans une clairière d’une forêt de pins quelque part au milieu du pays. Chaque objet du quotidien incite à une vision qui échappe à la réalité, et ainsi une tasse de café, une pomme, des arbres… Toutes ces choses auxquelles on ne fait généralement plus attention sont alors observées avec attention, en guise de frontière invisible entre rêve et réalité. Si vous aimez les thèmes autour de la nature, la vie intérieure de l’homme et les questions existentielles, ce classique est fait pour vous !
Un classique, pourquoi ?
Tomas Tranströmer est considéré comme un poète classique de la littérature suédoise pour son style et sa voix uniques, qui mêlent simplicité et profondeur. Ses poèmes sont reconnus pour leurs images fortes et vivantes qui capturent des émotions et des pensées complexes. Ses thèmes autours de la nature et les questions existentielles leur confèrent une qualité plutôt intemporelle et universelle ainsi que sa reconnaissance internationale, dont le prix Nobel de littérature 2011, et l’influence qu’il a exercée sur les poètes ultérieurs contribuent à faire de lui un géant de la littérature suédoise.
En français, il est possible de retrouver la totalité de son œuvre dans la collection Poésie chez Gallimard en 2015, ainsi que chez Le Castor Astral en 2016. Traduction et préface signées Jacques Outin ainsi qu’une postface de Renaud Ego pour les deux éditions.
Femmes et Pommiers, Moa Martinson (Kvinnor och äppelträd)
Femmes et pommiers est un roman écrit par Moa Martinson et publié en 1933. Moa Martinson est considérée comme l’une des figures prééminentes de la littérature prolétarienne, mouvement qui connaît son essor dans la Suède des années 1920 et 1930. Le roman met en lumière la vie et les conditions de vie des femmes dans la Suède du début du XXe siècle, dans un contexte de précarité rurale et ouvrière. Le roman suit deux générations de femmes, Mère Sofi au début, puis Sally et Ellen, qui luttent pour leur survie et leur dignité dans un monde caractérisé par la pauvreté, une structure patriarcale et l’injustice sociale. Sally est courageuse, obstinée et défie constamment les conventions qui la restreignent, refusant d’accepter un destin limité à celui de simple travailleuse ou d’épouse. Son parcours reflète son aspiration à la liberté et à l’accomplissement personnel. Ellen, quant à elle, puise sa force dans son rôle de mère et travaille inlassablement pour offrir à ses enfants une vie meilleure que la sienne. Mais le roman traite également de la force, de la communauté, de la maternité, de la sexualité, de la solidarité entre les femmes et de la révolution discrète mais présente qui s’opère dans la vie quotidienne de ces dernières. Il s’inscrit aussi dans le courant féministe du XXe siècle en Suède. Si vous aimez les thèmes cités au dessus, ce classique est fait pour vous !
Un classique, pourquoi ?
Femmes et pommiers n’a jamais reçu de prix en Suède et pourtant l’œuvre — à voir le nombre de fois qu’elle a été rééditée, reste un classique intemporel dans le pays. Il innove en se concentrant sur les perspectives et les expériences des femmes, ce qui était inhabituel dans la littérature de l’époque. Les descriptions honnêtes et réalistes de Moa Martinson mettent en lumière les dures réalités de la vie des femmes, ce qui a finalement été révolutionnaire et a contribué à changer la perception de la littérature féminine et de la littérature prolétarienne.
En français, il est possible de retrouver le roman aux éditions de l’Élan (co-édité avec Ginkgo). La traduction du suédois est signée Lise-Froger Olsson. C’est (pour l’instant !) la première traduction en français d’une œuvre de Moa Martinson.
La Suède en kit vous souhaite de bonnes lectures !
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