Rally Sweden – le rallye qui fait rage

Kalle Rovanperä au volant d'une Toyota sur le Red Barn Arena
Kalle Rovanperä au volant d'une Toyota sur le Red Barn Arena ©Tony Velam/McKlein

Du 24 au 27 février a lieu le Rally-Sweden, l’une des 13 courses du championnat du monde des rallyes, en suédois le Rally-VM (världsmästerskap). Une compétition sportive qui a fait naître la polémique cette année au Royaume de Suède en raison de sa délocalisation dans le Västerbotten, terre ancestrale d’élevage samie. 

Un grand événement

Le Rally Sweden, c’est le plus grand événement sportif annuel de Suède, ainsi que la plus grande compétition de rallye du pays : 200 000 visiteurs sur 4 jours, 100 millions de téléspectateurs dans le monde ! Il a été organisé pour la première fois en 1950 en été, sous le nom de Midnattssolsrallyt. Mais depuis 1965, il se tient en hiver. Les deux premières courses hivernales, en 1965 et 1966, ont eu lieu à Örebro. Le rallye d’hiver de 1966 est considéré encore aujourd’hui comme le rallye le plus froid de tous les temps avec des températures descendant jusqu’à -41°C. Puis de 1967 à 2020, la course s’est déroulée dans le Värmland, d’abord à Karlstad puis, à partir de 2010, sur Hagfors. Il constitue aujourd’hui une étape d’hiver remarquable du Rally-VM. Seul rallye du championnat organisé sur neige, il est connu pour être très difficile pour les pilotes non nordiques. Le premier pilote vainqueur du Rallye de Suède ni suédois ni finlandais fut le Français Sébastien Loeb en 2004. 

Logo Rally Sweden
©Rally Sweden – https://rallysweden.com/en/, Public Domain, (https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=94138676)

La spécificité du Rally Sweden

Étape hivernale du championnat, le sel de cette compétition est… la neige. Or depuis quelques années, le comité d’organisation s’arrache les cheveux car celle-ci n’est pas toujours au rendez-vous. Les véhicules de course n’ont donc pas besoin des mêmes spécificités techniques. Prenons l’exemple des pneus. Un pneu de rallye clouté compte environ 400 clous de 5 à 6 mm de long, par rapport à un pneu d’hiver ordinaire, qui compte environ 100 clous de 1,5 mm. L’événement de 2005, l’un des plus chauds de tous les temps, a transformé de nombreuses étapes en épreuve de route boueuse, qui endommageaient irrémédiablement les pneus neige cloutés utilisés par les équipes. La hausse des températures réduit la probabilité de conditions enneigées appropriées. L’enneigement est donc, au fil des ans, devenu une question récurrente. Le rallye a même été annulé en raison du manque de neige en 1990 et a failli l’être à nouveau en 2016.  On peut comprendre que les spectateurs mais aussi les équipementiers soient devenus de plus en plus sceptiques si la neige brillait de plus en plus… par son absence.

Rally Sweden 2019, WRC 2, Eerik Pietarinen/Juhana Raitanen (FIN/FIN)
Rally Sweden 2019, WRC 2, Eerik Pietarinen/Juhana Raitanen (FIN/FIN)

La décision de la délocalisation

En avril 2021, alors que le rallye n’a pas eu lieu en raison de la Covid, la décision est prise de déplacer le rallye au nord du pays, dans le Västerbotten. Ce fut une décision difficile et douloureuse, tant en raison du lien historique du rallye avec le Värmland que pour des raisons d’organisation, le comité étant basé dans cette région. La fédération internationale de sport automobile s’est cependant rapidement réjouie de pouvoir compter sur une neige plus abondante et régulière. Sauf que…

La décision de changer de région aurait-elle été prise un peu trop rapidement ? Le processus de délocalisation est vite devenu tendu car le comité d’organisation semble avoir omis de prendre en compte l’existence des pâturages d’hiver de plusieurs communes samies (samebyar) et la présence de leurs troupeaux dans la région, considérée a priori comme anecdotique. Il semble en tous cas que les Sames soient arrivés un peu tard dans la discussion. Et bien sûr, ils n’étaient pas particulièrement enthousiastes à l’idée que leurs rennes soient dérangés durant leur repas par un rallye automobile. Si dès décembre, les organisateurs ont été sévèrement critiqués pour ne pas avoir tenu compte et respecté les droits des Sames, de leur côté, les représentants de Vapsten, l’un des samebyar concernés, témoignent fin janvier d’une campagne d’intimidation sans précédent : appels téléphoniques, e-mails, tentatives de réunion d’urgence, autant de  moyens de pression utilisés pour les faire céder. Finalement des négociations ont eu lieu et des efforts ont été fournis des deux côtés pour faire en sorte que la course ait bien lieu.  

Troupeaux de rennes
©Helena Wahlman/imagebank.sweden.se

Tollé sur les réseaux

Mais une semaine avant le départ, le tracé a été remis en question. Un tronçon devait être supprimé en raison de la présence de rennes dans une zone de pâturage située sur le parcours. Les bêtes ne pouvaient pas être déplacées vers une autre zone de manière sûre. C’est là que tout s’est emballé. Les médias locaux qui ont publié cette information ont subi un déferlement de messages d’insultes, d’injures et de propos haineux à l’encontre des Sames, à tel point qu’ils ont dû désactiver le fil de commentaires de leurs sites respectifs.

La question qui se pose alors, et il ne s’agit pas du droit du sol ou d’un quelconque jeu de pouvoir politique, mais bel et bien de l’esprit sportif face à la force et aux lois de la nature contre lesquelles personne ne peut rien : est-ce bien là l’enjeu qui a déchainé les passions ? Qui, dans le fond, a envie de voir en spectacle un troupeau de rennes se faire dégommer par des bolides lancés à toute vitesse sur des routes glacées ? 

 

Outre le fait que cette édition est à considérer comme une année-test et que l’avenir nous dira si l’essai a été concluant, cet événement révèle un problème de société profondément ancré dans les mentalités suédoises. Alors que la loi de consultation des Sames entre en vigueur en mars 2022, on peut se demander si la Suède est prête, malgré une volonté politique de plus en plus marquée, à considérer qu’au XXIème siècle, l’avis et les intérêts des Sames comptent vraiment.

A propos Anne D 31 Articles
Basée à Stockholm depuis 2008, Anne aime observer ce qui l'entoure, expérimenter (même après toutes ces années !) l'exotisme des supermarchés et évoquer les décalages de la vie suédoise prêtant à sourire ou à réfléchir.

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