Mettre à l’affiche une oeuvre presque oubliée, un opéra pas terminé qui vous fait froid dans le dos, est le pari fou et réussi de Folkoperan qui propose durant le printemps, Usher, un chef d’oeuvre d’horreur et d’angoisse de Claude Debussy mais pas que.
Les Usher, une famille pas comme les autres
Inspiré de la nouvelle fantastique, La Chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe, l’opéra Usher explore les méandres de l’âme humaine, des tourments de la mélancolie à la passion folle des forces noires. Il faudra une dizaine d’années à Claude Debussy pour mettre ce drame en musique et en composer un opéra élégant mais resté inachevé, chargé d’esquisses de rythmes sinistres et de mélodies âpres, jouant entre le symbolisme et l’expressionnisme. C’est à la compositrice belge Annelies Van Parys que Folkoperan a confié la composition finale de l’oeuvre. Son écriture solide aux sonorités sourdes et profondes tissent une efficace ambiance anxiogène s’entremêlant à la musique originale de Debussy. L’ensemble forme paradoxalement un équilibre superposant dissonances et cuivres étouffés, le tout intelligible et dramatiquement puissant.
Ce huis clos est le destin de Roderick Usher, dernier membre d’une famille maudite qui se consume en son domaine, en compagnie de sa sœur jumelle Lady Madeline, dans une relation aux relents incestueux. Son seul ami, venu en visite à sa demande, va servir de déclencheur à ce drame par la présence pernicieuse et malfaisante du personnage du docteur chargé de soigner Roderick mais manipulant Lady Madeline vers la dépression.
Costumes et décors au service du drame
Folkoperan installe l’orchestre de chambre et le quatuor vocal dans un univers scénique à la David Lynch, aux accents d’ « Amityville, la Maison du diable », dû au scénographe français Philippe Quesnes, grand nom de la scène théâtrale moderne en Europe, et directeur artistique du Centre Dramatique National de Nanterre-Amandiers. Dans cet intérieur glacial, ponctué de téléviseurs aux images en boucles, on assiste à la décadence physique-mentale-morale des jumeaux Roderick et de Madeline Usher.
Une co-production européenne
Alexandra Buchel interprète avec ses vocalises déchirantes une Madeline écartelée entre les manifestations de la folie et de l’inceste subi et une relation extrêmement malsaine médecin-patiente. Dans la mise en scène de Philippe Quesnes, le charismatique Rikard Söderberg endosse, impliqué et habité, le rôle du machiavélique médecin qui mène la maison Usher à sa perte en présence de l’ami (Olle Persson), impuissant témoin de la tragédie de Roderick Usher, psychotique hanté par le souvenir de sa relation quasi incestueuse avec sa sœur. Ola Eliasson traduit vocalement les évolutions de l’état psychologique de son Roderick avec toutes les nuances et expressions du registre de la terreur.
L’oeuvre est donnée en suédois, sous-titrée en suédois, dure 90 minutes sans pause. Usher est une co-production entre Folkoperan, Staatsoper Unter den Linden à Berlin, Muziektheater Transparant (Belgique), Opera Ballet Vlaanderen (Belgique) et le centre dramatique national Nanterre-Amandiers (France). L’ensemble sera en tournée en France et en Belgique prochainement.
Informations pratiques
Où ? à Folkoperan, Hornsgatan 72, Stockholm
Quand ? jusqu’au 10 mars
Combien ? de 145 à 590 kr. Réservation au 08-616 07 50 ou en ligne.
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